La gestion des terrains contaminés est essentielle à la planification de projets de développement ou d’infrastructure, car elle peut générer de nombreuses obligations en plus d’être source de risques juridiques.
La Loi sur la qualité de l’environnement (ci-après « LQE) et ses règlements – qui sont d’ordre public – prévoient un ensemble de normes juridiques applicables à la gestion des terrains contaminés1. Plus précisément, le Règlement sur la protection et la réhabilitation des terrains (ci-après « RPRT ») détermine les matières constituant des contaminants de même que la quantité ou la concentration maximale des contaminants permis dans les sols2, et ce, en fonction de l’usage autorisé des terrains. À cet effet, les terrains dont le zonage municipal autorise un usage partiellement ou exclusivement résidentiel sont assujettis aux valeurs limites prévues à l’annexe I du RPRT, alors que ceux dont l’usage autorisé est commercial sont assujettis à l’annexe II de ce même règlement3.
Quelques obligations relatives à la gestion des terrains contaminés
L’obligation de diffuser l’information est l’une des obligations relatives à la gestion des terrains contaminés. À titre d’exemple, le propriétaire, le locataire ou l’occupant qui a la garde d’un terrain où se trouvent des contaminants excédant les valeurs limites réglementaires du RPRT doit en aviser le propriétaire du fonds voisin4. Aussi, en cas de rejet accidentel, le ministre du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs (ci-après « ministre ») doit être avisé sans délai5.
De plus, l’article 20 de la LEQ énonce une règle fondamentale, soit l’interdiction de rejeter un contaminant dans l’environnement ou de permettre un tel rejet au-delà de la quantité ou de la concentration déterminée conformément à la loi. Il est à noter que la même prohibition s’applique également à d’autres situations. Cet article est ainsi libellée6:
« Nul ne peut rejeter un contaminant dans l’environnement ou permettre un tel rejet au-delà de la quantité ou de la concentration déterminée conformément à la présente loi.
La même prohibition s’applique au rejet de tout contaminant dont la présence dans l’environnement est prohibée par règlement ou est susceptible de porter atteinte à la vie, à la santé, à la sécurité, au bien-être ou au confort de l’être humain, de causer du dommage ou de porter autrement préjudice à la qualité de l’environnement, aux écosystèmes, aux espèces vivantes ou aux biens. »
Obligation de caractérisation et de réhabilitation des terrains contaminés
Les trois situations ci-dessous déclenchent l’obligation de décontaminer un terrain :
- Cessation définitive d’une activité désignée :
Lorsqu’une personne cesse définitivement d’exercer une activité désignée par le RPRT, elle doit procéder à une étude de caractérisation du terrain, et ce, dans les six (6) mois de cette cessation d’activité sauf si un délai supplémentaire est accordé par le ministre7.
Dans l’éventualité où cette étude dévoile la présence de contaminants dans des concentrations excédant les valeurs limites réglementaires applicables, le terrain doit être décontaminé conformément à un plan de réhabilitation approuvé par le ministre.
- Changement d’usage :
Toute personne qui projette de changer l’utilisation d’un terrain où s’est exercée une activité d’une catégorie désignée par le RPRT a l’obligation de procéder à une étude de caractérisation sur le terrain8. Il est à noter que la notion de « changement d’utilisation d’un terrain » constitue le fait d’y exercer sur une activité différente de celle qui était exercée antérieurement9.
Si l’étude révèle la présence de contaminants dans des concentrations supérieures aux valeurs limites réglementaires applicables, le terrain doit être décontaminé conformément à un plan de réhabilitation approuvé par le ministre10.
- Ordonnance ministérielle :
Les terrains contaminés doivent également être réhabilités lorsqu’une ordonnance ministérielle le prévoit11.
Les sanctions
Toute personne – tant physique que morale – qui contrevient à l’article 20 de la LQE s’expose à des sanctions12. En effet, la responsabilité civile extracontractuelle du contrevenant pourrait être engagée13, de même que sa responsabilité pour troubles anormaux de voisinage14. De plus, cette personne s’expose à des poursuites pénales, à des sanctions administratives pécuniaires, de même qu’à des ordonnances de caractérisation et de réhabilitation. Une ordonnance d’injonction pourrait aussi être recherchée pour forcer le défendeur à réhabiliter les terrains contaminés15.
De plus, la responsabilité contractuelle d’un vendeur pourrait être retenue, notamment sur la base de la garantie légale de qualité contre les vices cachés16. Par exemple, ce recours est envisageable lorsque l’acheteur acquiert un terrain vers lequel migrent les contaminants. Pour en savoir plus sur les principes généraux applicables en matière de vices cachés, nous vous invitions à lire la publication Découverte d’un vice caché : pas de panique!.
Finalement, lorsqu’une personne ou une municipalité ne respecte pas une disposition de la LQE, de l’un de ses règlements ou d’une ordonnance, le ministre peut ordonner à cette personne ou municipalité diverses mesures pour remédier à la situation17. À titre d’exemple, le ministre peut ordonner de cesser, modifier ou limiter l’exercice de l’activité concernée, dans la mesure qu’il détermine18. De la même manière, si le ministre constate la présence dans un terrain de contaminants dont la concentration excède les valeurs limites fixées par un règlement pris en vertu de l’article 31.69, il peut ordonner à toute personne ou municipalité de lui soumettre pour approbation, dans le délai qu’il indique, un plan de réhabilitation19. Il est à noter que ces exemples sont non limitatifs; les ordonnances que peut émettre le ministre ne se restreignent pas aux seuls cas mentionnés20.
Que vous soyez promoteur, acquéreur ou gardien d’un terrain, notre équipe peut vous conseiller quant aux normes applicables en matière de réhabilitation de terrains contaminés.
1 9071-6754 Québec inc. c. Fondation du Centre jeunesse de Québec, 2015 QCCS 2717, par. 17.
2 Société de développement du fonds immobilier du Québec inc. c. Couche-Tard inc., 2020 QCCQ 3080, par. 60.
3 Règlement sur la protection et la réhabilitation des terrains, RLRQ, c. Q-2, r. 37, (ci-après « RPRT »), art. 1.
4 Loi sur la qualité de l’environnement, RLRQ, c. Q-2, (ci-après « LQE ») art. 31.52.
5 Art. 21 LQE.
6 Art. 20 LQE; Alex Couture c. Piette, 1990 QCCA 3726.
7 Art. 31.51 LQE; Annexe III RPRT.
8 Art. 31.53 et 31.54 LQE.
9 Art. 31.53, al.2 LQE.
10 Art. 31.54 LQE.
11 Art. 31.43, 31.49, 114 et 114.1 LQE.
12 Société de développement du fonds immobilier du Québec inc. c. Couche-Tard inc., préc., note 2, par. 98.
13 Code civil du Québec, RLRQ, c. CCQ-1991, (ci-après « C.c.Q. »), art. 1457.
14 Art. 976 C.c.Q.; 9124-9797 Québec inc. c. Les Immeubles Karkwa inc., 2016 QCCS 3045.
15 Société immobilière Valcartier inc. c. Canada (Procureur général), 2010 QCCS 5218.
16 Art. 1726 C.c.Q.
17 Art. 114 LQE.
18 Art. 114, al. 1, par. 1 LQE.
19 Art. 31.43 LQE.
20 Art. 31.43, 31.49, 114 et 114.1 LQE.