Une loi fédérale règlementant le mariage invalidée par la Cour Suprême des États-Unis au motif que cela discrimine le mariage homosexuel
Dans une décision à 5 juges contre 4, la Cour Suprême des États-Unis a décidé le 26 juin dernier que la loi fédérale Defense of Marriage Act (DOMA) est inconstitutionnelle et prive les citoyens du droit à l’égalité et à la liberté protégé par la Constitution américaine.
Les faits menant à ce pourvoi sont les suivants : deux citoyennes de New York, Edith Windsor et Thea Spyer, se sont mariées en Ontario en 2007. L’État de New York a reconnu leur mariage et le considérait valide. Lorsque Madame Spyer est décédée, en 2009, elle a laissé tous ses actifs à Madame Windsor. Cette dernière a demandé à pouvoir être exemptée du paiement de l’impôt fédéral sur le montant de la succession, suivant une loi permettant une telle exemption pour les époux survivants. Toutefois, en vertu de l’article 3 de la DOMA, le terme « époux » exclut les partenaires de même sexe pour l’application de plus de 1 000 lois fédérales. Ainsi, ladite exemption d’impôt fédéral a été refusée à Madame Windsor sous prétexte qu’elle ne se qualifiait pas à titre d’épouse survivante.
L’article 3 de la DOMA se lit comadame suit :
« In determining the meaning of any Act of Congress, or of any ruling, regulation, or interpretation of the various administrative bureaus and agencies of the United States, the word ‘marriage’ means only a legal union between one man and one woman as husband and wife, and the word ‘spouse’ refers only to a person of the opposite sex who is a husband or a wife »
Madame Windsor a alors décidé d’intenter un recours au motif que la DOMA violait le principe d’égalité prévu au 5e amendement de la Constitution américaine. Alors que ce recours était pendant devant les tribunaux, le procureur général a annoncé que le département de la Justice du gouvernement n’allait pas défendre la constitutionnalité de l’article 3 de la DOMA. En réponse, le Bipartisan Legal Advisory Group est intervenu au litige afin de défendre la constitutionnalité dudit article.
La première question sur laquelle la Cour devait se pencher était à savoir si elle avait juridiction pour entendre cette cause. Puisque le gouvernement avait pris position à l’effet qu’il ne défendrait pas la constitutionnalité de l’article, Madame Windsor aurait dû être remboursée et l’affaire aurait été terminée. Toutefois, puisque le Bipartisan Legal Advisory Group présente un argument substantiel soutenant la constitutionnalité de l’article, qu’il s’agit d’une affaire concernant un sujet qui sort de l’ordinaire et que cette affaire est d’une importance immédiate pour le gouvernement fédéral et pour des centaines de milliers de citoyens, les juges majoritaires de la Cour ont décidé qu’ils avaient compétence pour décider du sort du litige.
Deuxièmement, la Cour devait se questionner à propos de la constitutionnalité de la DOMA. Dans le passé et selon les traditions, la définition et la règlementation du mariage sont effectuées par les États. Toutefois, la DOMA, une loi fédérale, a une application élargie à plus de 1000 autres lois fédérales et a une portée très importante, notamment sur une partie de la population dont les lois de l’État de New York et de 11 autres États se sont donné comme mission de protéger. Dans la Constitution américaine et dans la jurisprudence, il a été déclaré à maintes reprises que les « relations domestiques » sont sujettes à des garanties constitutionnelles et sont régies de façon exclusive par les États. La DOMA va à l’encontre de ce principe depuis longtemps établi. En effet, l’État avait décidé de donner le droit aux personnes de même sexe de se marier et par le fait même de leur conférer les mêmes droits et avantages qu’avaient les personnes mariées de sexe différent. Toutefois, le gouvernement fédéral a utilisé la DOMA pour restreindre ces droits et bénéfices.
L’application de cette loi prive les citoyens de leur droit à la liberté et à l’égalité pourtant conféré par le 5e amendement, alors que l’objectif de l’État était tout autre : protéger les partenaires de même sexe. L’adoption de la loi de l’État de New York découlait de l’exercice légitime de son autorité souveraine et reflétait l’évolution de la façon de penser des citoyens de l’État concernant l’égalité du mariage.
Ainsi, la DOMA viole le principe de l’égalité garanti par la Constitution que devrait respecter le gouvernement fédéral. Il aurait dû respecter la décision de l’État d’inclure à la définition du mariage les mariages entre personnes de même sexe et de leur permettre d’avoir droit aux mêmes responsabilités et avantages que les mariages dits traditionnels. Le but de la DOMA est de donner un statut différent au mariage entre personnes de même sexe et de brimer leurs droits, afin qu’ils ne jouissent pas de la même protection juridique. Cette intrusion du gouvernement fédéral dans le pouvoir de l’État de décider de ce qui a trait au mariage avait pour but de contrer les actions de l’État de New York pour éliminer les inégalités dans le mariage et crée ainsi des régimes matrimoniaux contradictoires dans le même État. Cela a comme effet que les personnes de même sexe ont un statut de personne mariée sous la loi de leur État, mais un statut de personne célibataire au sens de la loi fédérale. Ces contradictions entraînent une instabilité et une incohérence pour laquelle les juges de la Cour Suprême ont décidé d’intervenir. La DOMA a été déclarée inconstitutionnelle.
Les juges dissidents dans ce pourvoi allèguent que cette affaire en est une relativement à une question de pouvoir, entre le pouvoir des citoyens de se gouverner eux-mêmes et le pouvoir de la Cour d’énoncer la Loi. Ils sont d’avis qu’il était clair que la Cour Suprême n’avait pas la compétence de se prononcer sur ce sujet, ni même d’invalider une loi qui, selon eux, a été adoptée démocratiquement.
Le juge Scalia, particulièrement outré par la décision des juges majoritaires, termine sa dissidence par des lignes qui démontrent bien la profonde division qui existe entre les différents juges de la Cour Suprême, ceux de la majorité dits plus progressistes et ceux de la minorité dits conservateurs:
« But the Court has cheated both sides, robbing the winners of an honest victory, and the losers of the peace that comes from a fair defeat. We owed both of them better. I dissent. »
Par cette décision, les États-Unis s’engagent sur la même voie que le Canada, alors que le mariage entre personnes de même sexe a été légalisé en 2005. La loi concernant certaines conditions de fond du mariage civil a été adoptée et comporte, à son article 2, la définition du mariage comme étant seulement l’union légitime de deux personnes, sans aucune considération à l’égard du sexe de ces personnes. Le Québec était toutefois d’avant-garde avec la création de l’union civile en 2002, qui permettait alors l’union entre personne de même sexe. L’union civile avait pratiquement les mêmes effets et avantages que le mariage.
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Rédigé par Bernier Fournier.
Pour consulter d’autres articles sur le même sujet, voir les liens suivants :
- Victoire de couples gais en Cour supême (Droit-inc.)
- Mariage gai: on ne reculera pas les aiguilles (La Presse)
- Victoire pour les défenseurs du mariage gai aux États-Unis (Radio-Canada)