La clause pénale : dommages anticipés ou amende ? – Partie 2


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La semaine dernière, nous traitions de l’application d’une clause pénale en matière de non-concurrence dans un contexte de vente d’entreprise ou de contrat d’emploi. Comme nous l’indiquions, pour être valide, la clause pénale ne doit pas être considérée comme une « amende conventionnelle ». À titre d’illustration, voici quelques exemples de clauses pénales auxquelles la Cour1 a fait référence et qui furent annulées puisque jugées équivalentes à des « amendes conventionnelles ».

Gestion Mari-Lou (St-Marc) Inc. c. Légaré2

Dans cette décision la clause pénale en litige était libellée ainsi :

« 4.3 Dans l’éventualité où Réjean contreviendrait à l’un quelconque des engagements mentionnés au sein de l’un des paragraphes qui précèdent, la Compagnie ou l’un des intervenants pourra, sans préjudice à tout autre droit que lui confère la présente:

a) […]
b) Réclamer de Réjean, le plus élevé de:

i) la somme de cent mille dollars (100 000$); ou
i) tout dommage qu’aurait pu subir la Compagnie ou les intervenants en raison d’une telle violation des engagements de Réjean. »

La Juge Rita Bédard a indiqué qu’ « […] on ne p[ouvait] conclure au caractère pénal de la clause sous étude puisqu’elle prévo[yait] un montant minimal de cent mille dollars (100 000$) ou ” tout dommage qu’aurait pu subir la compagnie ” ».

Industries M.R.B. Inc. c. Boivin3

Dans cette décision, la clause pénale en litige était libellée ainsi :

7.8 Si l’employé déroge aux stipulations du présent article 7, en plus de tous autres recours que la Compagnie peut exercer contre lui, l’employé/e devra verser sans délai à la compagnie la somme de cinquante mille ($50,000.00) à titre de pénalité et non de dommages-intérêts conventionnels.

Le Juge Michel A. Pinsonneault a conclu de la façon suivante :

« [21] Il semble, à la lecture du libellé de la clause, que les parties aient compris qu’une clause pénale se trouvait à être une pénalité en sus des dommages-intérêts ou une sorte d’ « amende conventionnelle ».

[22] Le Tribunal est clairement d’avis que la clause en question ne peut être qualifiée de clause pénale puisqu’elle ne répond tout simplement pas à la définition d’une clause pénale au sens du Code civil.

[23] De plus, il semble clair que le Tribunal ne peut intervenir en faveur de la demanderesse via l’article 1623 C.c.Q. puisqu’il ne s’agit pas, en l’espèce, de réduire le montant de la peine stipulée dans la clause.  C’est plutôt la rédaction même de la clause qui serait à reconsidérer. »

9003-7365 Québec inc. c. Kérimian4

Dans la décision, la clause pénale en litige était libellée ainsi :

« […]  En cas de violation de cette clause de non-concurrence, Jean-Simon Kérimian devra verser une somme de cinquante mille dollars (50 000$) à Iris Pointe-Claire à titre de pénalité minimum et sans limiter d’aucune façon le calcul des dommages qu’il cause à la compagnie et aux actionnaires, le cas échéant, sans préjudice non plus à tout autre recours de la compagnie, ou des actionnaires y compris notamment l’injonction et l’action en dommages, et sans préjudice non plus à l’application de toute autre disposition des présentes existant en faveur de la compagnie ou des actionnaires. »

La Juge a indiqué qu’ « en l’espèce, les parties ont convenu que 50 000$ représentait une pénalité « minimum » sans déterminer et sans limiter le calcul des dommages et sans exclure tout autre recours que la compagnie pourrait avoir contre le défendeur » et que cela ne correspondait pas à ce qu’est une clause pénale selon le droit civil québécois.

Central Microcom Québec inc. c. 9109-7881 Québec inc.5

Finalement, dans cette décision, la clause pénale en litige était libellée ainsi :

« 13.5 Dans l’éventualité de tout défaut par le Vendeur ou l’intervenant de respecter les dispositions de ces engagements, ceux-ci, agissant conjointement et solidairement à cet égard, conviennent de verser à l’acheteur sous réserve de tous les autres droits et recours de l’acheteur, une somme de dix milles dollars (10 000,00$) par défaut, laquelle somme est payable par jour que durera tout défaut, multiplié par le nombre de défaut(sic) ou le nombre de jours, et devra être considérée, à toutes fins que de droit, comme des dommages et intérêts liquides sujets aux droits de l’acheteur de réclamer tout dommage additionnel dans le cas ou celui-ci pourrait être prouvé.  De plus, le Vendeur et les intervenants reconnaissent que l’acheteur pourra en tout temps recourir à une injonction pour faire cesser pour l’avenir toute violation des dispositions du dit engagement, la clause pénale ci-dessus prévue s’appliquant alors à toute journée pendant laquelle les dispositions de la présente section n’ont pas été entièrement respectées, soit avant, soit après la demande en injonction et soit avant soit après l’émission d’une ordonnance d’injonction ».

La Cour a conclu que la prétendue clause pénale n’en était pas une puisqu’« elle ne posséd[ait]  pas le caractère forfaitaire et péremptoire qui caractérise la clause pénale et ne respect[ait] pas l’esprit de l’article 1623 C.c.Q. » :

« [71] En l’espèce, la clause 13.5 n’est pas une clause pénale au sens de l’article 1622 C.c.Q.   Telle que rédigée, elle relève davantage d’une amende puisqu’elle réserve “tous les autres droits et recours de l’acheteur”.  De plus, le montant de 10 000$ par jour d’infraction est sujet “aux droits de l’acheteur de réclamer tout dommage additionnel dans le cas où celui-ci pourrait être prouvé” ».

Conclusion

À la lumière de ces décisions, il apparaît important lors de la rédaction d’une clause pénale de bien préciser que les dommages réclamés ne  représentent pas une somme minimale ou ne constituent pas une amende. Une bonne façon de le faire est d’indiquer clairement que la somme représente des dommages liquidés. La rédaction globale du contrat devra aussi refléter cet état de fait afin d’éviter que la Cour conclue qu’il s’agit d’une « amende conventionnelle ».

Avec la précieuse collaboration de Mme Annie-Pier Côté, étudiante en droit.

 

1Central Microcom Québec inc. c. 9109-7881 Québec inc., 2008 QCCS 6072.
2Gestion Mari-Lou (St-Marc) Inc. c. Légaré, 2005 CanLII 26253.
3Industries M.R.B. Inc. c. Boivin, 2004 CanLII 9435 (QC CQ).
49003-8365 Québec Inc. c. Kérimian, 2004 CanLII 41245 (QCCQ).
5Préc., note 1.