Les formes d’entreprises – partie 2


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Au moment de lancer son entreprise, l’entrepreneur devra choisir la forme juridique de celle-ci en tenant compte de divers facteurs et en évaluant ses besoins. Dans cette série de publications en trois volets qui explique de façon générale le droit régissant les formes juridiques d’entreprises au Québec, nous avons d’abord analysé l’entreprise individuelle et la société par actions. Nous en sommes maintenant à analyser la société en nom collectif, la société en commandite ainsi que la société en participation.

Société en nom collectif

La société en nom collectif, couramment appelée « s.e.n.c. », est un regroupement de personnes, les « associés », qui désire exploiter une entreprise commune  dans un esprit de collaboration en mettant en commun des connaissances, des biens ou des activités, et ce, dans le but de réaliser des profits. Une telle société sera créée par la conclusion d’un « contrat de société ». Bien que ce contrat puisse être verbal, un contrat écrit de société est souvent préférable, car il permet notamment de clarifier les attentes de chacun et de délimiter les droits, responsabilités et obligations des associés, permettant ainsi de réduire les possibilités de conflits entre les associés et, le cas échéant, d’apporter des solutions en cas de litige.

Le contrat de société est donc essentiel afin d’établir les bases et le fonctionnement de la société en nom collectif. Étant donné que le contrat de société varie d’une situation à l’autre et qu’il se doit d’être adapté aux besoins de chacun, les modèles de contrats sont à éviter et le soutien d’un conseiller juridique est fortement recommandé pour sa rédaction. Mis à part le contrat de société, le nom attribué à la société en nom collectif doit être commun aux associés et doit indiquer sa forme juridique (souvent abrégée par l’acronyme « s.e.n.c. »).

Un grand nombre de professionnels optent pour la société en nom collectif ou la société en nom collectif à responsabilité limitée afin de se réunir et d’offrir leurs services, bien qu’il puisse être possible pour eux d’opter plutôt pour la société par actions.

Quelques avantages :

  • Simple et moins coûteuse à mettre en place et à maintenir qu’une société par actions;
  • Encourage l’esprit de collaboration entre les associés, car ceux-ci sont tenus de mettre en commun des ressources et/ou des connaissances lors de la mise en place de la société;
  • Il y a un partage des ressources entre les associés (ressources financières, expertises et expériences, efforts pour développer, etc.);
  • La fidélité des associés est favorisée, car les associés ne peuvent, pour leur compte ou celui d’un tiers, faire concurrence à la société;
  • De larges possibilités de gestion de l’entreprise existent, car les associés peuvent nommer l’un ou plusieurs d’entre eux, ou même un tiers, afin de gérer les affaires de la société;
  • La part de chaque associé dans l’actif et dans les bénéfices est déterminée par les associés à même le contrat de société; à défaut de le prévoir, les parts sont présumées égales;
  • Ce sont les biens fournis à la société qui seront saisis par les créanciers en préférence aux biens personnels des associés. En d’autres termes, le patrimoine des associés est partiellement dissocié de celui de la société, en ce qu’il n’est pas immédiatement entamé lorsque la société a des dettes;
  • La société peut intenter des recours en justice au nom de tous les associés;
  • Comme c’est le cas pour l’entreprise individuelle, les revenus de la société sont considérés comme étant les revenus personnels des associés. En conséquence, les associés peuvent bénéficier de crédits d’impôt habituellement réservés aux particuliers et ils peuvent utiliser les dépenses de leur entreprise afin de réduire leur impôt personnel;
  • La souplesse contractuelle offerte par le contrat de société;
  • L’accès simplifié au profit.

Quelques désavantages :

  • À défaut de le prévoir dans le contrat de société, la part de chaque associé dans les pertes de la société est à parts égales;
  • Chaque associé engage sa responsabilité personnelle et peut être tenu de payer toutes les dettes de la société, même s’il n’a personnellement commis aucune faute;
  • La société doit s’immatriculer auprès du Registraire des entreprises du Québec¹ et est soumise aux diverses obligations de la Loi sur la publicité des entreprises², ce qui encourt des frais et des démarches supplémentaires;
  • Puisque les revenus de la société sont considérés comme étant les revenus personnels des associés, si la société génère des revenus élevés, l’associé sera imposé à un taux plus élevé que celui d’une société par actions;
  • La réunion de toutes les parts sociales entre les mains d’un seul associé emporte la dissolution de la société, à moins que, dans les 120 jours, au moins un autre associé se joigne à la société;
  • La souplesse contractuelle et l’impossibilité de tout prévoir;
  • La confiance essentielle envers les autres associés.

Des associés exerçant leurs affaires par le biais d’une société en nom collectif pourraient prendre la décision de modifier la structure juridique de leur entreprise et décider, par exemple, de la convertir en société par actions. Advenant le cas où les associés désiraient effectivement changer le statut de leur s.e.n.c. pour celui d’une société par actions, certaines mesures pourraient être prises afin de faciliter une telle modification. Par exemple, lors du transfert des actifs, la procédure de roulement prévue à l’article 85 de Loi de l’impôt sur le revenu³ pourrait être appliquée afin de réduire l’impact fiscal d’un tel transfert.

La société en commandite

La société en commandite est une structure d’entreprise légèrement plus complexe que la société en nom collectif. Or, malgré ses nombreuses différences avec la s.e.n.c., elle ne modifie pas le statut juridique des associés. On y trouvera deux différents types d’associés : les commanditaires et les commandités. Les commanditaires, personnes physiques ou morales, sont ceux qui fournissent un apport à la société, en argent ou en biens, mais qui ne peuvent pas légalement participer à son administration. En contrepartie de leur obligation de non-ingérence dans les affaires de la société, ils ne pourront être tenus responsables des dettes et obligations de la société au-delà de leur mise de fonds. Évidemment, le manquement par un commanditaire à son obligation de non-ingérence dans l’administration de la société entrainera sa responsabilité vis-à-vis des dettes et obligations de la société résultant de son intervention. Les commandités, personnes physiques ou morales, sont ceux qui gèrent et représentent la société. Ce sont eux qui fournissent leur travail, leur expérience et leur compétence au sein de la société. Ils sont solidairement responsables des dettes et des obligations de la société et doivent rendre compte de leur administration aux commanditaires. Il est fréquent d’opter pour ce type de société dans les secteurs qui représentent un risque élevé de pertes (par exemple, le sport professionnel, l’immobilier ou le domaine de la prospection minière).

Il est possible d’établir certaines ressemblances entre la société par actions et la société en commandite. En effet, les commanditaires s’apparentent aux actionnaires d’une société par actions, alors que les commandités sont quant à eux comparables aux membres du conseil d’administration ou aux dirigeants.

Au surplus, les règles relatives à la société en nom collectif prévues au Code civil du Québec4 sont applicables à la société en commandite compte tenu des adaptations nécessaires. D’ailleurs, la société en commandite doit être désignée sous un nom commun aux associés et indiquer sa forme juridique (souvent abrégée par l’acronyme « s.e.c. »).

Quelques avantages :

  • Simple et potentiellement moins coûteuse à mettre en place et à maintenir qu’une société par actions;
  • Permet une simplification des activités d’entreprise, notamment en ce qui a trait aux obligations fiscales;
  • Le commanditaire est un investisseur « passif » et n’est tenu aux dettes de la société qu’à concurrence de sa mise de fonds (responsabilité limitée des commanditaires). Il peut donc s’agir d’un type de société potentiellement approprié afin de lancer une entreprise ayant des besoins d’investissements initiaux importants, mais œuvrant dans un secteur d’activités risqué;
  • La possibilité de limiter la responsabilité des commandités par le biais d’une société par actions;
  • La possibilité d’être commanditaire à titre personnel et commandité par le biais d’une société par actions simultanément ou vice-versa;
  • La société peut ester en justice au nom de tous les associés;
  • La possibilité de faire un appel public à l’épargne;
  • Certains avantages fiscaux.

Quelques désavantages :

  • Elle doit produire une déclaration d’immatriculation auprès du Registraire des entreprises du Québec et est soumise aux diverses obligations de la Loi sur la publicité légale des entreprise5. À défaut d’une telle production, elle est réputée être une société en participation, le tout sous réserve des droits des tiers de bonne foi;
  • Chaque commandité sera solidairement tenu des dettes de la société (responsabilité illimitée des commandités). Un commandité peut donc être tenu de payer toutes les dettes de la société, même s’il n’a personnellement rien à se reprocher;
  • La flexibilité du contrat de société et l’impossibilité de tout prévoir.

La société en participation

La société en participation peut être un véhicule intéressant pour des partenaires d’affaires qui souhaitent se lancer en coentreprise (joint-venture). Il s’agit d’une forme d’association pouvant prendre des formes extrêmement diverses et qui n’entraîne pas la création d’une société dotée de la personnalité juridique. Elle est donc utile, par exemple, pour deux entreprises qui désirent regrouper leurs actifs afin de poursuivre un but temporaire commun (une alliance stratégique momentanée), tel que percer un marché émergent, sans trop vouloir s’associer formellement pour l’avenir. De plus, la société en participation relève d’un contrat verbal ou écrit. Aux fins de la protection des tiers, cette forme de société se trouve souvent être l’entité juridique imposée par la loi, par défaut, aux personnes commettant des actes juridiques d’entreprise en l’absence de contrat entre elles.

Quelques avantages :

  • Simple et peu coûteuse à mettre en place : le contrat de société pouvant être écrit, verbal ou même résulter de faits manifestes qui indiquent l’intention des parties de s’associer;
  • Peut s’éteindre de façon assez simple puisqu’elle peut prendre fin par le consentement des associés, l’accomplissement de l’objet du contrat ou par l’impossibilité d’accomplir cet objet;
  • N’est pas assujettie à l’obligation d’immatriculation auprès du Registraire des entreprises du Québec, l’immatriculation étant volontaire;
  • Face aux tiers, chacun des associés demeure propriétaire des biens ayant constitué l’apport au fonds commun de la société en participation.

Quelques désavantages :

  • Les associés sont conjointement responsables des dettes de la société, et ce, en parts égales. Cependant, lorsque la dette a été contractée dans le cadre de service ou d’exploitation de l’entreprise, les associés sont tenus solidairement responsables des dettes (c’est-à-dire que chacun des associés peut être tenu de payer la dette en entier);
  • Lors d’une poursuite judiciaire dirigée contre un associé, les biens de la société en participation sont confondus avec les biens de l’associé poursuivi;
  • Puisqu’il peut s’agir d’une société tacite n’exigeant pas de contrat écrit, il est possible qu’un ensemble de faits mène à la création d’une société en participation sans que les associés en soient pleinement conscients.

Bref, plusieurs structures juridiques d’entreprise s’offrent aux entrepreneurs et chacune d’elles comporte son lot d’avantages et d’inconvénients respectifs. N’hésitez pas à consulter l’un de nos professionnels afin de vous aider à prendre une décision éclairée et adaptée à vos besoins et vous accompagner dans les démarches de mise en place de votre entreprise.

De plus, si vous désirez obtenir de l’information additionnelle quant aux divers aspects traités dans la présente publication, n’hésitez pas à communiquer avec l’un des membres de notre équipe qui se fera un plaisir de répondre à vos questions.

 


1Registraire des entreprises du Québec;
2Loi sur la publicité légale des entreprises, RLRQ, c. P-44.1;
3Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch.1 (5e suppl.);
4Code civil du Québec, RLRQ, c. CCQ-1991;
5Préc., note 2.