Le projet de Loi C-208 : Modifications fiscales favorables pour les entreprises familiales
Le 29 juin dernier, le projet de loi C-2081, soit la Loi modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu (transfert d’une petite entreprise ou d’une société agricole ou de pêche familiale), recevait la sanction royale.
Ce projet de loi, modifiant les règles fiscales entourant le transfert d’entreprises familiales à un membre de la famille, était attendu depuis longtemps par les propriétaires de petites entreprises. En effet, déposé par le député conservateur manitobain Monsieur Larry McGuire en février 2020, ce projet de loi fait suite à de nombreux projets de loi proposant des modifications législatives semblables ayant été soumis au cours de la dernière décennie, mais n’ayant pas réussi à franchir toutes les étapes menant à leur adoption.
Le projet de loi réforme deux dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu2. D’une part, il modifie la règle prévue à l’article 84.1(2)3 afin de permettre l’exonération pour gain en capital lors de la vente d’une petite entreprise ou d’une société agricole ou de pêche familiale à ses enfants ou petits-enfants et, d’autre part, il modifie l’article 55(5)e)(i)4 afin d’inclure les frères et sœurs à la notion de personnes liées.
Règles applicables aux transferts intrafamiliaux d’entreprise avant le projet de loi C-208
En vertu des dispositions actuelles de la Loi de l’impôt sur le revenu, le prix de vente de l’entreprise familiale à un membre de la famille était considéré à titre de dividende pour le vendeur, alors que lors de la vente à un tiers non apparenté, le prix de vente était considéré comme un gain en capital.
Cette différence de qualification revêtait d’importantes répercussions pour les propriétaires : s’ils vendaient leur société à leurs enfants, ils ne pouvaient bénéficier de l’exonération viagère cumulative des gains en capital, les obligeant donc à payer un taux d’imposition plus élevé. En effet, un dividende est taxé à un taux plus élevé et n’est évidemment pas admissible à l’exonération fiscale des gains en capital.
Il s’avérait donc plus avantageux, fiscalement, de vendre son entreprise à un tiers plutôt qu’à ses enfants ou petits-enfants, ce qui rendait la pérennité des entreprises familiales plus difficile.
L’autre disposition législative suscitant certains problèmes était celle excluant les frères et sœurs de la définition de personnes dites liées ou ayant un lien de dépendance, rendant ainsi plus complexes certaines réorganisations d’entreprises familiales, dont la séparation d’une entreprise entre des frères et sœurs. Le projet de loi C-208 élimine désormais cette exclusion et les considère à titre de personnes liées aux fins de toute opération d’une petite entreprise ou d’une société agricole ou de pêche familiale.
Changements à venir avec le projet de loi C-208
Les modifications apportées par le projet de loi C-208 feront désormais en sorte que les petites entreprises, les entreprises agricoles et les sociétés de pêche familiales bénéficieront du même taux d’imposition lors de la vente de leur exploitation à un membre de la famille que lors de la vente à un tiers.
Certaines conditions doivent cependant être respectées afin que la vente soit admissible à l’exonération fiscale :
- Les actions transférées par le parent doivent être des actions admissibles de petite entreprise ou des actions d’une société agricole ou de pêche familiale;
- L’acheteur doit être contrôlé par un ou plusieurs enfants ou petits-enfants du vendeur et ils doivent être âgés d’au moins 18 ans;
- L’acheteur ne doit pas disposer des actions ci-haut mentionnées dans les soixante mois de l’achat, sauf en cas de décès.
De plus, ces modifications législatives prévoient également certaines limites. Si le capital imposable utilisé au Canada est d’une valeur de plus de 10 millions de dollars, l’exonération des gains en capital est restreinte et, si le capital imposable utilisé au Canada est supérieur à 15 millions de dollars, l’exonération n’est plus possible.
Le capital imposable utilisé au Canada correspond à la ligne 690 de l’annexe 33 de l’année précédente et est généralement égal aux bénéfices non répartis pour l’année. Certains autres montants peuvent toutefois y être inclus, notamment le surplus d’apport ainsi que les prêts et avances faits à la société.
Outre ces conditions et limites, le contribuable doit, de surcroît, fournir au Ministre du revenu une évaluation indépendante de la juste valeur marchande des actions concernées et un affidavit signé par lui et par un tiers attestant de la disposition des actions.
Il y a lieu de préciser que les critères d’application de ces nouvelles mesures d’allègement fiscal différent des ceux établis antérieurement par le gouvernement provincial du Québec. Il faudra donc analyser chaque transaction en tenant compte des règles de chacun des paliers gouvernementaux, et ce, jusqu’à l’arrimage des mesures québécoises et fédérales.
Bien qu’ayant reçu la sanction royale, ces différents amendements législatifs n’ont présentement pas de date d’entrée en vigueur officielle. Toutefois, le gouvernement fédéral a annoncé qu’ils s’appliqueront au début de la prochaine année d’imposition, soit dès le 1er janvier 20225. Plus d’informations seront donc probablement disponibles dans les prochaines semaines et mois à cet effet et quant aux détails entourant leur mise en place.
Somme toute, il s’agit d’une bonne nouvelle pour les propriétaires d’entreprises familiales! Puisque ces modifications législatives fédérales créent de nouvelles possibilités pour vos entreprises, sociétés ou fiducies, n’hésitez pas à consulter l’un de nos professionnels pour toute question à cet effet ainsi que pour vous accompagner dans vos démarches.
Rédigé avec la collaboration de Madame Mary-Pier Lareau, stagiaire en droit.
1 Loi modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu (transfert d’une petite entreprise ou d’une société agricole ou de pêche familiale. À noter que la loi n’est pas entrée en vigueur à la date de la présente publication. .
2 Loi de l’impôt sur le revenu, LRC 1985, c 1 (5e suppl).
3 Loi de l’impôt sur le revenu, LRC 1985, c 1 (5e suppl), art. 84.1(2).
4 Loi de l’impôt sur le revenu, LRC 1985, c 1 (5e suppl), art. 55(5)e)(i).
5 Gouvernement du Canada, « Le gouvernement du Canada donne des détails sur les prochaines étapes du projet de loi émanant d’un député C-208 », en ligne, consulté le 4 juillet 2021.