Dommages subis : élément essentiel pour recourir à une clause pénale
La clause pénale permet d’établir, à l’avance, les dommages-intérêts que devra verser la partie qui ne respecte pas son obligation1. Elle est notamment reconnue pour accompagner la clause de non-concurrence pouvant se retrouver dans un contrat de travail.
Lorsque des parties négocient les termes d’une transaction, d’une entente ou d’un contrat, il est fréquent qu’elles y incluent une clause de confidentialité qui peut être assortie d’une clause pénale. Toutefois, afin que la clause pénale s’applique et que des dommages-intérêts puissent être réclamés, encore faut-il que la partie qui invoque la violation de la clause de confidentialité ait subi un préjudice.
C’est ce que vient rappeler la Cour d’appel dans l’affaire Bacon-St-Onge c. Conseil des Innus de Pessamit2 dans un arrêt du 25 novembre 2021.
Faits saillants
Le litige en l’espèce découle de la cessation d’emploi de l’appelant, Monsieur Bacon-St-Onge. C’est à l’occasion d’un règlement faisant suite à la contestation de cette fin d’emploi qu’une transaction est conclue, comprenant notamment une clause de confidentialité, laquelle est assortie d’une clause pénale. Cette clause pénale se lit comme suit :
« Les parties conviennent que la présente entente est strictement confidentielle et le défaut par l’une des parties de maintenir cette confidentialité entraînera l’imposition de dommages-intérêts liquidés d’une valeur de 5 000 $ en faveur de la partie qui a respecté l’entente sans préjudice aux droits de la partie qui a respecté l’entente de requérir de la Cour supérieure une demande d’injonction. »
Selon Monsieur Bacon-St-Onge, la clause de confidentialité devait s’appliquer à la fois au fait qu’il ait été congédié et au fait qu’il ait reçu une somme à titre d’indemnité de départ dans le cadre de la transaction. Il soutient notamment que le Conseil aurait violé cette clause de confidentialité en mentionnant ces informations dans le cadre de procédures judiciaires opposant les deux parties.
Analyse de la Cour supérieure
En première instance, la Cour supérieure conclut, suite à son analyse, que l’objectif recherché par l’entente de confidentialité s’avère être la non-divulgation de la somme reçue à titre d’indemnité de départ prévue par cette transaction. Le congédiement de Monsieur Bacon-St-Onge était connu publiquement et avait même été publié sur les ondes de Radio-Canada. Une telle clause ne pouvait ainsi avoir pour objectif de rendre confidentiel un fait connu du public.
Monsieur Bacon-St-Onge plaide que la publicité du congédiement lui a causé des dommages, entre autres une atteinte à sa réputation. En première instance, la Cour considère toutefois qu’en raison du partage de la situation sur les réseaux sociaux par Monsieur Bacon-St-Onge lui-même, ainsi que des demandes judiciaires qu’il a déposées, il devait s’attendre à une certaine réplique de la part du Conseil des Innus de Pessamit, laquelle ne peut fonder un dommage permettant la réclamation de la somme prévue à la clause pénale.
Analyse de la Cour d’appel
Monsieur Bacon-St-Onge, insatisfait de la décision de la Cour de première instance, décide de se pourvoir devant la Cour d’appel du Québec. Il invoque notamment que la clause pénale aurait dû être appliquée, contrairement à la conclusion de la Cour supérieure. La Cour d’appel rappelle d’abord qu’en l’absence d’erreur manifeste et déterminante, « une cour d’appel doit se garder de modifier les conclusions de fait et les conclusions mixtes de fait et de droit tirées par le juge de première instance ».
Au surplus, le tribunal considère que la juge de première instance n’a pas commis d’erreur manifeste et déterminante en concluant que la clause de confidentialité ne concernait que le versement de la somme reçue à titre d’indemnité, et non le congédiement. Elle n’a pas non plus commis une telle erreur lorsqu’elle a rejeté la réclamation fondée sur la divulgation de l’indemnité, ni lorsqu’elle a constaté que Monsieur Bacon-St-Onge n’avait subi aucun préjudice.
Les juges de la Cour d’appel ajoutent enfin, se fondant sur la jurisprudence et la doctrine applicable, qu’il est bien établi qu’un constat d’absence de préjudice fait généralement échec à un recours fondé sur une clause pénale.
En somme, il ne suffit pas pour que le paiement d’une pénalité soit exigible que l’autre partie ait enfreint une clause quelconque comportant elle-même une clause pénale qui lui est accessoire. Il faut aussi que la partie qui invoque la violation en ait subi un préjudice. Plus précisément, pour qu’une clause pénale puisse trouver application, il doit y avoir proportionnalité entre la valeur du dommage et de la clause elle-même. Pour en apprendre plus sur le sujet de la clause pénale, nous vous invitons à consulter nos publications sur le sujet :
– Clause pénale : dommages anticipés ou amende – partie 1; et
– Clause pénale : dommages anticipés ou amende – partie 2.
Rédigé avec la collaboration de Monsieur Luc Robitaille, étudiant en droit.
1 Code civil du Québec, RLRQ c. CCQ-1991, art. 1622.
2 Bacon St-Onge c. Conseil des Innus de Pessamit, 2021 QCCA 1765.