La demande de type Wellington : et si mon assureur avait l’obligation de me défendre?
Il est notoire qu’une assurance responsabilité civile a pour objet de garantir un assuré contre les conséquences pécuniaires d’un fait dommageable causé à autrui. Cette règle est d’ailleurs clairement édictée à l’article 2396 du Code civil du Québec1.
Il est généralement méconnu que l’assurance responsabilité civile oblige l’assureur à défendre son assuré contre une réclamation qui peut donner lieu à une condamnation couverte par la police d’assurance. Cette règle est pourtant prévue à l’article 2503 du Code civil du Québec2.
Or, lorsqu’un assureur refuse de défendre les intérêts de son assuré, celui-ci peut demander à la Cour de forcer l’assureur à le défendre. Ce type de demande est aussi appelée : « la demande de type Wellington ».
L’OBLIGATION DE DÉFENDRE VERSUS L’OBLIGATION D’INDEMNISER
Avant d’aller plus loin, il est important de bien distinguer l’obligation de défendre de l’obligation d’indemniser.
L’obligation de défendre inclut notamment le paiement, par l’assureur, des frais associés au déroulement du dossier judiciaire. L’obligation de défendre s’apprécie avant le dépôt de la preuve et à la face même de la demande en justice. Cette preuve est dite prima facie. Il n’est pas nécessaire de savoir si les allégations contenues à la demande en justice sont vraies. La simple possibilité de couverture en vertu de la police d’assurance suffit à déclencher l’obligation de défendre3.
L’obligation d’indemniser, quant à elle, s’évalue après l’obtention d’un jugement ou à l’étape d’un règlement du dossier. Conséquemment, l’obligation s’évalue après le dépôt et l’analyse de la preuve. La question est finalement de savoir : est-ce que l’assureur est tenu de payer ou non ?
L’AFFAIRE DESJARDINS ASSURANCES GÉNÉRALES INC. C. CHARTRAND
Récemment, dans l’affaire Desjardins Assurances générales inc. c. Chartrand4, les tribunaux ont eu à se prononcer sur une demande de type Wellington.
Cette affaire implique essentiellement trois parties, Réjean Chartrand (ci-après « Chartrand »), Desjardins Assurances générales inc. (ci-après « Desjardins ») et Promutuel Deux-Montagnes, société mutuelle d’assurance (ci-après « Promutuel »).
En 2019, Chartrand fait l’acquisition d’une moto. Le contrat de vente mentionne notamment « vendu tel que vu pour pièces ».
Deux jours plus tard, un incendie éclate chez Chartrand et se propage à un immeuble voisin, lequel est assuré par Desjardins. Desjardins indemnise son propre assuré pour les dommages et intente ensuite un recours contre Chartrand.
Chartrand est assuré par Promutuel. Promutuel nie couverture d’assurance et refuse d’assumer la défense de Chartrand alléguant notamment que l’incendie implique un véhicule à moteur non désigné à la police d’assurance.
Chartrand, par le biais d’une demande de type Wellington, s’adresse donc à la Cour du Québec afin d’obliger Promutuel à assumer sa défense.
JUGEMENT À LA COUR DU QUÉBEC
Saisie de la demande de type Wellington, la Cour du Québec est d’avis qu’il n’existe aucune définition de véhicule à moteur dans la police d’assurance. Ni le libellé de la Demande introductive d’instance, ni les pièces ne permettent de tirer des conclusions militant en faveur de l’inapplicabilité de la police d’assurance.
La demande de type Wellington est donc accueille et la Cour du Québec ordonne à Promutuel d’assumer la défense de Chartrand.
La Cour du Québec prend tout de même le temps de spécifier qu’il se peut fort bien qu’à l’issue du procès, le juge soit en mesure de déterminer si l’exclusion à la police d’assurance s’applique ou non. En d’autres termes, l’obligation de défendre s’applique, mais il ne sera décidé qu’au moment de jugement final si l’obligation d’indemniser s’applique.
JUGEMENT À LA COUR D’APPEL
Promutuel porte l’affaire devant la Cour d’appel, laquelle rejette l’appel.
L’absence de définition de « véhicule à moteur », de même que certains éléments factuels permettant de débattre sur la police d’assurance légitime le fait de conclure à la possibilité que l’exclusion à la police d’assurance soit inapplicable.
En d’autres termes, la possibilité de couverture d’assurance entraîne l’obligation d’assurer la défense de l’assuré Chartrand.
CONCLUSION
En terminant, si votre assureur refuse de vous défendre à l’occasion d’une poursuite impliquant votre responsabilité, il serait probablement judicieux d’en parler à votre avocat !
1 Code civil du Québec, R.L.R.Q., CCQ-1991, article 2396.
2 Ibid, article 2503.
3 Progressive Homes Ltd. c. Cie canadienne d’assurances générales Lombard, 2010 CSC 33 et Compagnie d’assurance Travelers du Canada c. Gervais Dubé inc., 2022 QCCA 1107.
4 Desjardins Assurances générales inc. c. Chartrand, 2023 QCCQ 9448.