Bien qualifier ses dépenses pour les impôts : une différence capitale


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Dans une décision récente1, la Cour du Québec rappelle les principes importants ayant trait à la qualification des dépenses relatives à des immeubles à revenus.

En effet, monsieur La Chapelle contestait des avis de cotisations fiscales émis par l’Agence du revenu du Québec (ci-après « ARQ »). La qualification par l’ARQ de certaines dépenses encourues relativement à ses immeubles à revenus ont été contestées par le contribuable, car il semblerait que les notions de dépenses courantes et de dépenses à titre capital aient été confondues lors de la qualification.

Déduction des dépenses

Il est bon de se rappeler que selon l’article 128 de la Loi sur les impôts, un contribuable peut déduire de son revenu d’entreprise ou de biens les dépenses courantes, qui peuvent notamment être des dépenses d’entretien, qui ne créent pas de capital nouveau2. Il ne peut toutefois déduire les dépenses à titre de capital, qui contribuent à augmenter la valeur ou obtenir un loyer plus élevé3. Ainsi, la qualification des dépenses peut avoir un grand impact au niveau de l’impôt à payer.

Présomption de validité

Il est à noter que les avis de cotisations fiscales émis par l’ARQ bénéficient d’une présomption de validité suivant l’article 1014 de la Loi sur les impôts, mais que cette présomption peut être renversée par le contribuable. Pour ce faire, ce dernier doit présenter une preuve prima facie, c’est-à-dire une preuve qui est suffisante pour démontrer, jusqu’à preuve du contraire, l’invalidité des cotisations qui lui sont réclamées4. Toutefois, afin de permettre cet exercice de renversement de la présomption de validité, la démonstration de la qualification des dépenses réalisée par l’ARQ doit se baser sur certains éléments de preuve. En effet, l’ARQ doit appuyer ses conclusions sur des données permettant au contribuable de suivre le raisonnement qui l’a menant à une certaine qualification des dépenses, plutôt qu’à une autre. En l’absence de ces données, le contribuable ne détiendra pas l’information nécessaire afin de pouvoir renverser la présomption de validité5.

Analyse juridique

Voyez la conclusion du juge Davignon quant à cette décision :

[68]        Pour l’ensemble de ces motifs et considérant que la vérification de dépenses réclamées par M. La Chapelle n’a pas fait l’objet d’une analyse individualisée permettant d’en apprécier véritablement la nature, le Tribunal conclut que par sa preuve présentée à l’audience, le contribuable démolit la présomption de validité des cotisations contestées.

[69]        Il n’appartient pas au Tribunal dans le cadre d’un tel recours de refaire tout l’exercice de vérification d’une centaine de factures, alors que l’ARQ a elle-même choisi une approche générale. D’emblée, elle a choisi de refuser une multitude de dépenses dont elle reconnaît pourtant qu’individuellement, elles auraient pu constituer des dépenses d’entretien. L’ARQ a pourtant choisi de refuser de les qualifier ainsi au seul motif qu’elles ont été encourues au cours d’une période où d’autres travaux visant à accroître le capital des immobilisations ont été effectués. Cette façon de procéder, fondée sur des hypothèses qui ont été démolies, ne saurait être retenue.

[…]

[72]        Dans ces circonstances, le Tribunal conclut qu’il y a lieu d’accueillir la demande de M. La Chapelle, d’annuler les cotisations contestées et de déférer le tout au ministre afin qu’il procède à l’émission de nouvelles cotisations appropriées […]. En ce qui concerne la réclamation de dépenses d’intérêts, elle devrait suivre le sort du traitement des autres dépenses réclamées.

En conclusion, cette décision nous rappelle qu’il est essentiel de bien comprendre les concepts entourant la qualification des dépenses, afin de payer de façon juste notre part de cotisations fiscales. En effet, ce ne sont pas toutes les dépenses qui peuvent être déduites du revenu d’un particulier ou d’une entreprise. Afin de vous soutenir, n’hésitez pas à consulter un professionnel qualifié qui pourra vous accompagner afin de faire valoir au mieux vos intérêts personnels et financiers.

Rédigé en collaboration avec Léa-Catherine Brunet, étudiante en droit

1La Chapelle c. Agence du revenu du Québec, 2024 QCCQ 761.
2Motter c. Agence du revenu du Québec, 2021 QCCA 72.
3Id.
4Stewart c. M.R.N., [2000] CanLII 426 (CCI).
5Brasserie Futuriste de Laval Inc. c. La Reine, 2006 CCI 503.