Rejet d’un recours en oppression : leçons pour les actionnaires minoritaires
Le 28 novembre dernier, la Cour d’appel du Québec a confirmé une décision rendue par la Cour supérieure1, relative à une demande de recours en oppression2. En effet, le demandeur et appelant, Olivier Girard, contestait la dissolution de la société 9286-9593 Québec Inc., ainsi que la vente subséquente de ses actions. Or le tribunal d’appel, maintenant la décision de la Cour supérieure, a refusé de donner droit au recours en oppression, confirmant ainsi la validité de la dissolution de la société, et de la vente des actions.
Résumé des faits
En 2013, Olivier Girard, la partie demanderesse, ainsi que Jean-René Larose, Martin Lavictoire et Pascal Cyr, la partie défenderesse, forment une firme de génie-conseil, la société 9286-9593 Québec Inc. (ci-après « la société »). Ils sont tous administrateurs de la société, et décident de répartir le capital-actions de celle-ci à part égale, soit 25% par personne. Leur structure d’affaire est plutôt informelle; ils ne prennent d’ailleurs pas la peine de conclure une convention unanime des actionnaires.
Or, en 2015, lui reprochant son manque de leadership et de collaboration, les trois défendeurs décident de mettre fin à leur relation d’affaire avec le défendeur, Olivier Girard.
Ce dernier quitte alors l’entreprise et tente de négocier la vente de ses parts. Une impasse s’est ensuivie sur la valeur de ses actions, le demandeur considérant la valeur de celles-ci comme étant plus du double de celle proposée par les défendeurs. Le demandeur signifie alors sa demande en oppression à la partie défenderesse. Néanmoins, la société est dissoute, sans que les parties ne s’entendent sur le prix des actions.
Décision de la Cour supérieure
Le recours en oppression étant possible en vertu de l’article 450 de la Loi sur les sociétés par actions3, l’honorable juge Morrison devait analyser les conditions d’application de cette disposition, à la situation en espèce. Ce recours permet aux tribunaux de protéger l’actionnaire minoritaire à l’encontre des agissements abusifs de la majorité. En effet, la Cour peut rendre toute ordonnance permettant de redresser la situation4.
Après analyse des faits spécifiques de l’affaire, le juge a conclu qu’il n’y avait pas eu d’abus ou d’oppression de la part des défendeurs envers Girard. Le juge a considéré plusieurs facteurs, notamment la nature informelle de l’accord initial. En effet, l’absence d’un contrat d’actionnaires formel et d’une entente de non-concurrence a contribué à l’impasse entre les parties. Par ailleurs, les défendeurs ont soulevé des préoccupations légitimes concernant le comportement et les performances de Girard. Au surplus, le tribunal n’a trouvé aucune preuve que les défendeurs avaient agi de mauvaise foi ou avec une intention d’opprimer Girard. Il conclut ainsi que le recours en oppression n’était pas approprié pour régler le différend sur la valeur des actions, considérant la demande comme étant principalement un différend commercial entre actionnaires sur la valeur de leurs actions respectives. Insatisfait de cette décision, le demandeur en appelle de celle-ci, devant la Cour d’appel du Québec.
Décision de la Cour d’appel
Rappelant la grande déférence dont doit faire preuve la Cour d’appel face aux conclusions de faits des tribunaux inférieurs, celle-ci conclut que l’appel doit être rejeté. Elle réitère que le recours en oppression n’est pas un outil pour forcer un prix de vente souhaité, mais plutôt un mécanisme de protection contre les abus. L’appelant n’ayant pas réussi à démontrer un tel abus, les conclusions de la Cour supérieure sont maintenues.
Ce qu’il faut retenir
Ces décisions soulignent d’abord l’importance de conclure des ententes d’actionnaires formelles et complètes qui définissent clairement les rôles, responsabilités et droits de chaque partie. Une entente de non-concurrence peut aussi être bénéfique.
Ensuite, une communication ouverte et une résolution proactive des conflits entre associés sont cruciales pour éviter des litiges coûteux.
Par ailleurs, la conservation de documents complets et bien organisés est essentielle pour étayer une position en cas de litige.
Finalement, il est crucial de choisir le recours juridique approprié pour régler un différend. Le recours en oppression n’est pas un remède universel pour tous les conflits entre actionnaires.
En conclusion, il est toujours avisé de consulter un conseiller juridique pour une analyse appropriée de votre situation spécifique. Celui-ci saura mettre vos intérêts de l’avant, tout en vous proposant des solutions personnalisées.
Rédigé avec la collaboration de Mme Laury-Ann Bernier, LL.M.
1Girard c. Larose, 2022 QCCS 4835.
2Girard c. Larose, 2024 QCCA 1592.
3Loi sur les sociétés par actions, RLRQ, c. S-31.1.
4Id.,art 451.